Pour une vision globale et optimiste de l’avenir
Par Denis Jeambrun*
Le jeudi 24 septembre 2020, la CFTC a été auditionnée par Madame Bénédicte Taurine, députée et membre de la commission des affaires économiques. Cette audition avait pour but de faire un retour d’expérience sur les mesures déjà engagées et de préparer au mieux les prochaines mesures de l’État.
L’industrie aéronautique en France
La CFTC a rappelé le rôle fondamental de l’industrie pour l’emploi en France. Tout particulièrement, l’aéronautique en constitue un pilier économique et social (nous serions même un des deux seuls pays au monde à savoir faire un avion de bout en bout !). En plus d’être une industrie de pointe, elle garde la particularité d’avoir des cycles très longs (environ 30 ans entre des études préliminaires et le retour sur investissement). Ce temps est plus grand que les exercices comptables ou la durée d’un poste de dirigeant. Peu d’acteurs économiques peuvent avoir un réel intérêt sur de tels cycles industriels ; en dehors des salariés eux-mêmes et du citoyen. C’est pour cela que l’État a eu un rôle fondamental dans la construction de l’aérospatiale (Airbus et ses sous-traitants aujourd’hui) et qu’il doit reprendre ce rôle aujourd’hui (et le continuer pour les marchés liés à la souveraineté (sécurité, défense, santé,…) ; les autres pays européens seraient également bien inspirés d’en faire autant à l’échelle de l’Union européenne plutôt que d’acheter hors Europe).
À souligner également, la CFTC se félicite des nouveaux projets d’avions « zero-emission ». Nous avons aussi rappelé que l’aéronautique est une des industries les plus vertueuses en ce sens. Un expert du CORAC (Conseil pour la Recherche en Aéronautique Civile) soulignait que la consommation des avions avait diminué de plus de 80% ces trente dernières années ! À cela s’ajoute le fait que l’aéronautique ne serait responsable que de 1 à 3%, selon les sources, des émissions de CO2 au niveau mondial. La campagne contre l’aéronautique est donc largement injuste. Cependant des progrès doivent toujours être faits dans la conception, l’utilisation et le recyclage des avions. Cela constitue de belles et vertueuses opportunités de relance de l’activité.
La crise covid
La CFTC a fait remarquer que cette crise comportait désormais deux temps :
Le premier, entre février et l’été, où la prévision dominante était une reprise quasi totale de l’activité économique fin 2020 ou début 2021. Dans cette perspective, les dispositifs tels que l’APLD étaient les bienvenus pour aider les entreprises à « passer le cap » sans licenciements.
Le second temps, celui que nous vivons actuellement, est marqué par l’incertitude, où personne ne sait vraiment ce qui va se passer dans l’année à venir. Ce stade est bien plus préoccupant. Les décisions se fondent alors sur les pires scénarios, dans une sorte de « sauve qui peut ». Nous constatons donc de nombreux de plans de licenciements et des fermetures de sites.
D’autre part, même là où des réductions du temps de travail sont mises en œuvre (APLD), elles s’accompagnent d’Accords de Préservation de la Compétitivité (APC). Pour les salariés concernés, cela constitue une double peine, en termes de rémunération au moins. Sans compter que les garanties juridiques sur l’emploi sont relatives. La sanction consiste à rembourser des aides perçues. De plus, cette sanction ne s’appliquerait pas en cas de réelles difficultés économiques.
Les aides d’État et la sous-traitance
La CFTC a remarqué qu’il y avait de grandes disparités entre les donneurs d’ordres et les sous-traitants. Les sous-traitants sont encore plus durement touchés par la crise. Paradoxalement, ils ont plus de mal à obtenir des soutiens de l’Etat ou de leurs donneurs d’ordre. À cela il convient également de distinguer les sous-traitants de rang 1, bien connus des principaux acteurs du secteur qui les soutiennent autant que faire se peut (car ils ont une interdépendance forte). En revanche, les sous-traitants de rang supérieur à 1 (sous-traitants des sous-traitants…) sont des PME-PMI qu’il faut absolument soutenir et sauver rapidement, sous peine de voir partir notre savoir-faire et nos emplois à l’étranger !
La CFTC pour une vision « systémique » du futur
Ainsi, les futurs plans d’aide de l’état doivent englober une vision beaucoup plus large de l’écosystème aéronautique et de son futur. Même si l’aéronautique comprend bien quelques acteurs majeurs, il s’agit d’un tissu complexe et dont on mesure aujourd’hui la fragilité. Pour autant, un monde sans avions n’est pas raisonnablement envisageable (l’aéronautique n’est d’ailleurs véritablement remise en cause, par ses détracteurs, que pour les courtes distances). Il faut donc une vision de ce futur, un plan pour le décrire, un acteur étatique pour établir et contrôler la trajectoire : l’équité des répartitions, le respect des engagements, l’utilisation des deniers publics sur le long terme.
L’urgence : refaire voler les avions !
En attendant la réalisation de ce futur encore plus « vert » de l’aéronautique, la CFTC insiste sur la nécessité d’avoir une vision de la sortie de la crise du covid ; c’est-à-dire, faire revoler les avions au plus vite. Dans le jeu de domino qu’est l’aéronautique, tout s’écroulera rapidement si les compagnies aériennes ne peuvent plus remplir et faire voler leurs avions. Il faut redonner confiance à la population, aux voyageurs d’affaires dans l’immédiat (les grandes vacances étant passées). L’état et les experts sanitaires doivent maintenant édicter une doctrine cohérente et efficace (créant cette confiance) pour que l’économie et l’aéronautique redémarrent au plus vite. Sinon, ce fleuron de l’industrie française, une industrie en croissance forte avant la crise, disparaîtra. La CFTC veut éviter ce scénario catastrophe. Cela est possible, avec la bonne vision et du courage politique. De leur côté, les salariés de l’aéronautique ont toujours répondu présents à tout nouveau défi ; il en sera de même cette fois encore.
*Denis Jeambrun est Responsable fédéral aéronautique et défense, vous pouvez le contacter à : denis.jeambrun@cftcmetallurgie.com